Les employés au cœur des affaires, cela peut paraître irréaliste. Vous dites pourtant que c’est possible, et que vous l’avez même fait ! Expliquez-nous...
Vineet Nayar : En 2005, tout semblait très bien aller à HCL Technologies – en surface. L’entreprise avait une croissance dépassant les 30% et connaissait une expansion mondiale rapide, tant de la clientèle que de nos activités. Sous le vernis du succès, pourtant, tout n’allait pas bien. En fait, la croissance de la société était plus lente que celle de ses concurrents. Elle perdait des parts de marché, de la notoriété, des talents. Elle était à la croisée des chemins. Il était temps de se poser quelques questions difficiles, pour identifier les fondamentaux de notre coeur de métier, pour comprendre qui crée de la vraie valeur pour les clients et repenser le rôle du management.
Les employés d'abord
Cette remise en question a abouti a des conclusions surprenantes. Dans le secteur des SSII, la valeur ne repose plus sur la technologie elle-même, et certainement pas sur quelque composant hardwareou software que ce soit. HCL a observé que la vraie valeur porte sur la manière dont les opérationnels – les "employés de première ligne" – rassemblent les outils technologiques pour créer des solutions sur mesureCet endroit où les opérationnels interagissent avec les clients est une véritable « zone de valeur ».
Ce ne sont pas les senior managers qui opèrent sur cette zone de valeur pour créer des solutions IT adaptées, ce sont les opérationnels. Cela a été l’illumination. En mettant les employés d’abord, les clients ensuite, HCL crée de la valeur pour ses clients.

Comment mettre en œuvre ce changement ?
Vineet Nayar : Faire passer les employés d’abord, cela n’a pas pu se faire du jour au lendemain, cela a été une transformation culturelle qui a été menée en plusieurs étapes.
La première étape s'intitulait "Miroir, miroir" ou "Se confronter à la vérité" : en ayant des conversations ouvertes, honnêtes et récurrentes, HCL a mis en lumière la réalité de sa situation et de tous ses défauts, et a créé le besoin du changement. Parallèlement, elle a mis sur pied une vision du futur inspirante et motivante.
La deuxième étape impliquait de construire « la confiance via la transparence » : même si les gens saisissaient le besoin de changement, il y avait peu de chance que celui-ci se produise tout seul... à moins qu’il ne se traduise par des actions et pas seulement par des mots. Le besoin du moment était alors de créer une culture du changement.
Et cela demandait d’être honnête et d’avoir foi dans les actions de chacun, de laisser ouvertes des fenêtres de communication pour discuter du bon et du moins bon, de braquer les projecteurs sur le moins reluisant, pour que tout le monde le voie et que des actions correctives se mettent en place.
HCL - Employees first
La troisième étape concernait touts les moyens d’ "inverser la pyramide organisationnelle" : une fois l’appel au changement accepté par les employés, et une fois mise en place la culture de la confiance qui les motivait à embrasser ce changement, il a fallu établir la structure pour le changement.
Pour HCL, cela voulait dire renverser la pyramide managériale classique en plaçant les employés au sommet. Cela signifiait accroître la responsabilité inversée et rendre omniprésente la transparence. Le management doit alors chercher à créer des signaux facilement perceptibles, des outils et des atouts pour ancrer la transformation des « employés d’abord ». Une des cartes maîtresses est le système de feedback à 360 degrés : les employés au sein des équipes peuvent émettre anonymement leurs retours sur le management, les résultats de ce feedback sont ensuite uploadés sur l’intranet afin que tous puissent en bénéficier.
La dernière étape a été de « redéfinir le rôle du PDG » : dans cette phase finale, HCL a commencé à transférer la responsabilité du changement, des managers vers les employés. Cela a abouti à une société qui est à bien des égards autonome et autogérée.

La méthode EFCS ("Employees first, customers second") est-elle applicable en France ?
Vineet Nayar : N’importe quelle société au monde peut appliquer ces principes. La méthode n’a rien à voir avec la conjoncture économique ou la culture. Ce dont vous avez besoin, c’est de faire confiance à vos employés, de les encourager et de les enthousiasmer.

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> Photo de Vineet Nayar issue du flickrstream du World Economic Forum (sous licence CC)

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